Christopher K. Blazes, un professeur adjoint en psychiatrie à l’Université de santé et de sciences de l’Oregon (OHSU), tire la sonnette d’alarme sur les risques inhérents à une utilisation prolongée de certains médicaments. Selon lui, ces traitements peuvent engendrer de sérieux problèmes de santé, tels que des chutes, des troubles respiratoires ou cognitifs, et peuvent également interagir négativement avec d’autres médicaments.
Il explique que de nombreux médecins tentent de travailler avec leurs patients pour réduire les doses de ces médicaments, mais cette démarche s’avère souvent contre-productive. En effet, la diminution des doses peut provoquer des symptômes sévères de sevrage, tels que des tremblements ou de l’hypertension, ainsi que des troubles psychiatriques dangereux, tels que la dépression. De plus, les problèmes d’anxiété et d’insomnie, que le médicament était censé traiter, peuvent réapparaître, souvent de manière plus intense qu’auparavant.
La dépendance complexe et persistante aux benzodiazépines
Blazes, en collaboration avec ses collègues Linda Peng et Thomas W. Meeks, a défini un nouveau terme pour décrire ce phénomène : la dépendance complexe et persistante aux benzodiazépines (DCPB).
Il met en garde contre le danger de cette situation et souligne la difficulté d’aider les personnes qui ont pris ces médicaments pendant des années à les arrêter en toute sécurité. Selon lui, le processus d’arrêt peut être très difficile et même dangereux. Dans certains cas, lorsque les tentatives d’arrêt échouent, il peut être nécessaire de reprendre des doses sûres.
La prévalence de la DCPB sera mise en évidence lorsque les professionnels de santé commenceront à la reconnaître dans leur pratique clinique, indique le chercheur.
Alors que la crise des opioïdes a fait les gros titres, les benzodiazépines sont un facteur souvent négligé de la crise de santé publique que représentent les décès par surdose de médicaments, soulignent les auteurs.
La distinction entre dépendance et addiction
Les chercheurs précisent que tous les patients qui prennent des benzodiazépines à long terme développent une dépendance physiologique à ces médicaments, ce qui signifie qu’ils développent une tolérance nécessitant des doses croissantes et qu’ils éprouvent des symptômes de sevrage lorsqu’ils cessent de prendre les médicaments.
Cependant, ils insistent sur le fait que la dépendance est différente de l’addiction. La plupart de ces patients n’ont pas une addiction qui les conduit à sacrifier leur emploi, leurs relations ou leur stabilité personnelle. Le terme DCPB définit plutôt une forme de dépendance physiologique aux benzodiazépines qui peut parfois inclure des comportements compatibles avec l’addiction, mais qui ne se développent que pendant le processus d’arrêt du traitement.
Il est important de faire cette distinction car le traitement de l’addiction diffère de celui de la dépendance, souligne le chercheur. Il insiste sur le fait qu’il ne faut pas diagnostiquer une dépendance si les gens n’en ont pas. Les personnes qui n’ont pas d’addiction ne vont pas répondre aussi bien aux interventions psychosociales et comportementales qui fonctionnent pour l’addiction.
Les dangers des benzodiazépines
En raison du lien entre les benzodiazépines et une forte augmentation de la mortalité, le chercheur travaille avec les patients pour qu’ils réduisent progressivement leur consommation de ces médicaments. Cependant, il reconnaît que de nombreux patients à qui l’on a prescrit des benzodiazépines pendant des mois, voire des années, subiront des répercussions sévères lors de l’arrêt du traitement.
Face à cette situation, il conclut avec une note d’amertume : « C’est un dilemme. Vous êtes perdant que vous le fassiez ou non. »
Source : Université de santé et de sciences de l’Oregon, JAMA Psychiatry
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